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LE GIF

Du "lol"" à l'innovation
journalistique

LE GIF

Expectation

Reality

Du "lol"" à l'innovation
journalistique

L’histoire du gif

version courte

Le gif fait son apparition à la fin des années 80, plus précisément en 1987. A l’époque, Internet est une nébuleuse, réservée à un nombre restreint d’utilisateurs. Pire, la vidéo n'existe pas encore. Le gif fait alors figure d’avant-garde, il permet de créer des images pixelisées en mouvement - chose rare à l’époque- pour décorer blogs et autres “pages personnelles”. C’est l’époque des gifs chats à paillettes, des coeurs qui pivotent sur eux-même, des portes d’entrée qui vous souhaitent “Welcome”.

Rétrospectivement, au commencement, on peut le dire sans rougir, le gif incarne le kitsch du Web des années 1990. Avec l'apparition des vidéos et de Youtube, le gif n’est plus à la mode. Il est considéré comme ringard et réservé à la première génération d’utilisateurs d’Internet (ceux pour qui le web n’a pas toujours été en accès illimité, via un smartphone par exemple). Le gif sombre alors dans les abysses d’Internet. La traversée du désert numérique sera longue, très longue. Mais au début des années 2010, dès 2008 pour être précis, le gif fait son grand retour. Tel un phoenix, le gif renaît de ses cendres. Sa deuxième vie n’a rien à envier au retour au pouvoir du Général De Gaulle en 1958 (blague en référence à la “traversée du désert”). Car depuis 2008, on s'échange des GIFs, on les compile sur des blogs (sur Tumblr principalement), pour certains, le gif a même remplacé la vidéo. Le gif redevient cool, au point que, pour son 25ème anniversaire (en 2012 donc), le gif est désigné "mot de l'année" par les lexicographes des dictionnaires d'Oxford University Press.

Le gif, ce nouveau Dieu omniprésent, omniscient et omnipotent

TWITTER

FACEBOOK

Depuis 2012 et son couronnement en tant que “mot de l’année”, le gif n’a rien perdu de son éclat, au contraire. Aujourd’hui, le gif est partout et a littéralement envahi les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook (Messenger).
Les utilisateurs de ces réseaux sociaux disposent même d’un catalogue de gifs. En deux clics, ils peuvent envoyer à leur interlocuteur très aisément un gif chat/bébé qui rigole/chat qui rigole devant un bébé. Pour les gifs plus pointus, il existe quantité de sites qui les répertorient. Le plus connu d’entre eux est Giphy, souvent qualifié de “Google du gifs”. Des millions de gifs y sont archivés, mais surtout classés par thématique. En tapant n’importe quel mot dans la barre de recherches, le site vous propose un nombre incroyable de gif illustrant votre recherche.  

 

Mieux : il est désormais possible de créer son propre gif en un coup de clic. Il existe de nombreux sites permettant de créer un GIF soit à partir d'images (Picasion, MakeAGif.com, Gifmaker.me...) soit à partir de vidéos (Imgur, Gifsoup.com,  Imgflip, Ezgif….) Plus besoin d’être un as de l’informatique pour créer un gif personnalisé (votre grand-mère qui joue à PokemonGo par exemple).

Très bien me direz-vous, mais finalement, à quoi ça sert le gif ? Dans la majorité des cas, le gif est utilisé pour faire rire, pour faire du “lol”. La quasi intégralité des gifs représentent des extraits de films, séries, jeux vidéos, émissions de télé-réalité, issus de la culture populaire. Lorsque des vidéos ou photos plus sérieuses sont utilisées pour créer des gifs, comme un discours politique par exemple, elles sont généralement détournées à des fins humoristiques.

Si le rôle principal du gif est de faire rire, il possède également d’autres fonctions :

  • Exprimer un sentiment. Plutôt que d’écrire un long message, envoyer un gif permet de faire passer très concrètement un message, tout en gagnant du temps. Les gifs “sad”, “happy”, “tired” sont les stars du web 2.0

  • Souligner son appartenance à la communauté 2.0 Les “lol cat” (ces gifs montrant des chats se cassant la figure ou faisant une drôle de tête) n’ont rien de “lol”. Leur but n’est pas tant de faire rire mais plutôt d’affirmer son appartenance à une culture web. “Je partage un gif lol cat donc je suis…” dirait le Descartes 2.0

  • Raconter une histoire. Pourquoi recourir aux mots quand 4 gifs résument parfaitement une histoire ? Le langage gif est parfois plus explicit que les mot. Certains internautes tiennent ainsi des “journaux intimes” sur le web (sur Tumblr principalement) exclusivement constitués de gifs.

  • Faire référence à un imaginaire commun. Vous parlez de votre série préféré à un ami, vous évoquez une scène en particulier, plus besoin de la décrire, un gif suffit.

Au-delà du “lol”, il existe un autre monde

Doit-on alors cantonner le gif au registre ludique ? Il serait facile de ne voir que la partie émergée de l'iceberg est d’affirmer que oui, le gif est un objet drôle, qui ne sert qu’à ponctuer des conversations entre amis ou alimenter des pages web “lol”.  Mais le gif est plus que ça.

Pour Katherine Martin, directrice de l’Oxford University “le gif qui a 25 ans cette année mais comme de nombreuses reliques des années 80, il n’a jamais été autant à la mode (...) Il est passé de la sphère de la pop-culture à des applications plus sérieuses comme la recherche ou le journalisme. Son identité même repose sur sa capacité à évoluer, afin de toujours suivre le rythme des choses.”

 

Parmi ses applications plus sérieuses, Katherine Martin évoque donc le journalisme. On pourrait attribuer la première utilisation du gif comme vecteur d’information à Anne Friedman. Cette journaliste américaine utilise des gifs dans ses articles depuis le début des années 2000. Dans la rubrique RealTalk du prestigieux Columbia Journalism Review Anne Friedman a imposé le gif comme un outil journalistique. Dans un article intitulé “What journalists need to know about an animated gif - really” (“Ce que les journalistes doivent VRAIMENT savoir à propos des gifs animés”), la journaliste mets en lumière deux des nombreux atouts du gif.

  1. Premièrement, le gif est “plus complet qu’une photo statique mais plus immédiat qu’une vidéo web”

  2. Deuxièmement, le gif possède un langage qui lui est propre. Il est son propre “mode d’expression”, un “outil numérique unique, capable de transmettre des idées et des émotions”.

Ces deux caractéristiques du gif citées par Anne Friedman souligne bien la capacité qu’à le gif à être autre chose qu’un simple objet distrayant. Il possède un “langage”, une capacité sémantique totalement visuelle, comme l’a été un temps la photographie. Si la photographie s’est imposée dans le champ du journalisme (sa capacité à informer n’est plus à prouver), peut-on envisager un avenir tout aussi radieux au gif ?  Le gif est-il le photojournalisme du numérique ?

Il suffit de s’aventurer sur les réseaux sociaux ou consulter les pages d’Internet des sites d’informations pour constater que tout n’est pas gagné. Le gif est certes présent mais reste rare. Non seulement sa présence reste anecdotique sur les sites d’informations (contrairement aux pages Tumblr où il règne en maître), mais lorsqu’il est utilisé par un média dit “traditionnel”, son utilisation provoque des polémiques. L’exemple le plus emblématique est selon moi la “météo en gifs de la chaîne d’informations France Info”. Le 1er septembre, les groupes France Télévisions et Radio France lancent “France Info”, la première chaîne d’information en continu du service public. Plusieurs formats sont mis en place (sujet sans la traditionnelle “voix off”, bout à bout de “citations”, fresque chronologique télévisuelle…) et parmi eux, la météo en gifs. Aux oubliettes la dame météo devant un fond vert qui présente des cartes avec des grands mouvement de bras, sur FranceInfo, les cartes défilent sur une musique dynamique, la météo est commentée au moyen de textes “légers” mais surtout, chaque carte est entrecoupée de gifs, pas vraiment sérieux.

On est loin de l’image rigide qu’avait jusque là le service public. Sur les réseaux sociaux notamment sur Twitter, les réactions sont nombreuses et très partagées. On rejoue version 2.0 la querelle des Anciens et des Modernes. Cette fois, nous ne sommes pas en 1687 ni à l’Académie Française (pas de Boileau ni de Perrault) mais sur la Twittosphère et là aussi, deux camps s’opposent.

#FinduMonde

Merci Nathan

A la lecture de ces tweets, se pose alors une question toute bête : pourquoi insérer des gifs dans un format aussi traditionnel que la météo ? Est-ce pour “faire jeune” ? Est ce pour justement dépoussiérer ce genre, devenu obsolète ? Plus généralement, qu’est ce qui peut pousser un média à recourir aux gifs ? Est ce pour attirer un nouveau lectorat ? Mais ne décrédibilise-t-on l’image de marque d’un média en ayant recours à ce procédé, encore considéré comme peu “professionnel” ?

VS

Pour répondre à ces questions, nous avons décidé d’interroger les responsables réseaux sociaux de deux médias : celui du Figaro.fr et celui de Buzzfeed France. Le Figaro.fr est le premier site d’information numérique en France, reconnu comme “sérieux”, notamment grâce à sa “maison-mère”, le journal papier Le Figaro. A contrario, Buzzfeed France est un média considéré comme “jeune”, relevant de “infotainment”, de part la nature des sujets traités. Ces deux médias utilisent des gifs mais leur utilisation diverge, tout comme les fonctions qu’ils attribuent à cet outil.

 

D’un côté nous avons :  

Eric Ratiarison - Responsable des réseaux sociaux chez Buzzfeed France
 

Merwane Mehadji - Journaliste Social Medias (gère les comptes Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Linkedin du Figaro.fr)
 

Nous leur avons posé la même série de questions. Voilà leurs réponses :

Comment sont utilisés les gifs dans votre rédaction ?

“Sur Buzzfeed.fr les gifs sont utilisés dans les corps des papiers mais aussi sur l’ensemble des réseaux sociaux”.
 

“Ils sont principalement utilisés sur Twitter pour illustrer un article mais aussi sur snapchat, avec notre rendez-vous quotidien, l’Actu en Snap”
 

Selon vous, quel est l’intérêt d’utiliser un gif ?
 

“Les gifs servent à exprimer des réactions qui sont plus difficile à exprimer avec des mots. C’est un moyen rapide, efficace et très Internet, de communiquer des impressions à notre lectorat. (...) Mettre des gifs dans un article permet également d’expliquer d’une façon différente et plus accessible pour les personnes qui n’ont pas l’habitude de lire des articles sur ce sujet là.”

“Utiliser un gif permet de retenir l’attention du lectorat mais surtout, de gagner la bataille de la Timeline. Sur les réseaux sociaux, l’internaute a tendance à scroller sans réellement cliquer sur les liens des articles car tous les contenus sont mis sur le même plan, de par la mise en page de ces réseaux sociaux. Grâce au gif, l’internaute peut s’arrêter plus aisément sur notre article”.  
 

Le gif permet donc d’attirer un nouveau lectorat ?
 

“Oui, le gif permet d’amener les lecteurs qui viennent de la partie divertissement, vers la partie actualité sans qu’ils soient perdus. Ils vont retrouver les mêmes codes que la partie divertissement mais les sujets seront différents.”
 

“Sur LeFigaro.fr, le lectorat est très hétéroclite et très large. Il ne s’agit pas forcément d’une stratégie pour “attirer de nouveaux lecteurs”. Ce que je peux dire, c’est qu’il y a 2 ans, nous utilisons les gifs pour illustrer 1 article sur 30. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux du Figaro.fr, 3 fois sur 10, nous recourons aux gifs. Ce sont généralement des articles qui sont ensuite très retweetés.  On tend donc à mettre de plus en plus de gifs.”
 

N’avez-vous pas peur que le recours au gif, ce format “ludique”, détériore l’image de votre média ?
 

“Au contraire, l’identité-même de Buzzfeed repose sur ce recours aux gifs.”

“Je ne pense pas. Notre chef nous encourage plutôt à les utiliser. Elle nous répète souvent ‘Ne négligez pas le gif’. Pour l’instant, il n’a pas encore sa place dans les contenus de décryptage, mais plutôt dans des contenus froids ou drôles. Ca préserve peut-être dans une certaine mesure l’image ‘sérieux’ du Figaro.fr. Mais je vous avoue que je m’étais jamais interrogé sur le lien entre gif et crédibilité d’un média.”
 

Dans le futur, pourra-t-on voir sur votre média, un article entièrement composé de de gifs ? Est-il un vecteur d’information à part entière ?

"Pourquoi pas ! Exemple :
 

"Je ne pense pas. Le gif peut-être informatif et se suffir à lui-même lorsqu’on isole une citation d’un  politicien par exemple. Mais un article qu’à base de gifs, c’est difficile à imaginer. Le gif est plutôt un “outil” à la portée des journalistes plutôt qu’un format journalistique à part entière."

Que retenir ?

Le gif a donc fait beaucoup de chemin depuis sa création. D'abord aux mains des internautes qui l'ont utilisé comme un objet ludique, le gif semble désormais s’installer progressivement dans les mentalités journalistiques. Il n'est plus considéré comme un format voué à la diffusion d'images de chatons ou de bébés. Comme le constate nos deux experts, Eric et Merwane, le gif est un outil sémantique nouveau mais surtout un moyen d’attirer l’attention d'un nouveau lectorat, grâce à sa forme courte, répétitive et son contenu ludique.

En d'autres termes, le gif pourrait un en phase de devenir un véritable aimant à lecteurs - qui plus est très variés dans leurs habitudes de consommer l'information. Cette polyvalence, mais aussi cette plasticité à s'adapter à différents registres lui laissent présager un avenir radieux. 

Mais si le gif arrive progressivement dans la sphère journalistique, un domaine semble avoir adopté ce format depuis plus longtemps : le sport. Les médias spécialisés dans le sport l'utilise en grande quantité car il permet de capturer un moment décisif : une passe, un but, une chute, la joie des spectateurs... Grâce au gif, les journalistes sportifs peuvent "aller droit au but" : plus besoin d'expliquer avec des mots tel ou tel action, un gif suffit. Dans un domaine aussi visuel que le sport, le gif est un outil indispensable, comme peut l'être la vidéo ou la photo. Il n'est pas juste là pour attirer un nouveau lectorat ou "gagner la bataille de la Timeline" (pour reprendre les mots de Merwane Mehadji, du Figaro), il donne corps à certains papiers.

 

Dès 2010, le site d'information américain The Atlantic a par exemple, consacré un article entier à l'analyse d'un prestation de la gymnaste Jordyn Wieber, grâce à des gifs. Le nom même de l'article comprend "un guide en gif", ce qui montre bien le pouvoir que peut avoir ce format. Dans cet article, le gif prend clairement la place du mot et simplifie la compréhension du propos. Il est un vecteur d'information et de clarification. 

Mais derrière ces attentions louables, se cachent des techniques qui le sont parfois moins. Si le gif est autant ilisé par les journalistes sportifs c'est parce qu'il permet de contourner la réglementation en termes de droits à l'image. En sport, chaque seconde vaut de l'or et certains médias possèdent l'exclusivité sur des retransmissions. Le gif, ni considéré comme une vidéo ni comme une image, bénéficie donc d'un vide juridique dont profite certains journalistes. Car la force du gif est aussi sa faiblesse : il est plastique, malléable, et peut être utilisé par tous... même par les journalistes aux attentions pas toujours nobles. 

Comme tous les nouveaux outils numériques qui s'offrent aux journalistes, la vigilance est de mise ! Car certes, le gif ne possède pas de règles établies sur son utilisation, il convient donc aux journalistes d'en faire bon usage, et ne pas s'en servir comme moyen dérobé pour contourner une loi. 

Mémoire de Master II - Paris - CELSA |  Nivin Potros

INTRO

Impossible de naviguer sur le web sans tomber sur eux : les gifs animés. Les quoi me direz-vous ? Les gifs animés soit l'acronyme de Graphic Interchange Format. Selon l'Oxford English Dictionary, “le gif est un format de fichier compressé qui peut-être utilisé pour créer des animations qui tournent en boucle". Plus trivialement, le gif est un format, utilisé pour créer des vidéos de quelques secondes dont le rôle essentiel, est de faire rire son interlocuteur.  

Depuis peu, les gifs s’invitent progressivement dans les articles et autres contenus journalistiques. Jusqu'à là propriétés des “geeks” - ces férus d’Internet qui parlent une langue qui leur est propre - les gifs seraient-ils en train de devenir un nouveau format journalistique ? Ces très courtes vidéos, souvent à l’effigie de chat ou de séries populaires peuvent-elles être considérées comme un vecteur d’information ? Il suffit de se pencher sur deux exemples caractéristiques - le site d’information “classique” qui a recours aux gifs depuis peu et celui qui en a fait sa marque de fabrique - pour constater que le gif est un objet en pleine mutation mais surtout, à vocation journalistique.

 

Pourquoi ? On vous explique !

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